Tram Genève | Ouvrage de franchissement de l’autoroute A1 | St-Julien | 4ème prix | 2015

 

En collaboration avec INGPHI SA ingénieurs en ouvrage d’art, à Lausanne

 

Analyse du site

Ici, à l’interface entre zone industrielle et zone agricole, la construction du pont du futur tram Genève – Saint-Julien, quelle que soit sa forme ou sa couleur, transformera profondément et durablement le paysage. L’espace de ce tronçon autoroutier bordant la « vitrine de l’économie genevoise » est canalisé entre deux « murailles » végétales et séquencé par des passages supérieurs en béton et des portiques métalliques espacés les uns des autres de quelques hectomètres. Demain un pont supplémentaire viendra s’immiscer; il aura pour effet de générer deux univers distincts:

  • Un nouvel univers pour les usagers se déplaçant au niveau de la plaine traversant doucement par-dessus  la « tranchée végétale » de l’autoroute reliant ainsi les zones agricole (ZAS) et industrielle (ZIPLO).
  • Un autre univers, dédoublé celui-là, pour les usagers de l’autoroute qui le traverseront à grande vitesse par-dessous.

Pour les utilisateurs du tramway et de mobilité douce, l’ouvrage sera perçu tel un évènement singulier parmi la multiplicité des lieux parfois traversés parfois observés, jalonnant le parcours de la ligne du tram.

Pour les utilisateurs de l’autoroute, il se verra de loin et constituera un signal marquant; un portique. Par sa conception, il établira  la claire distinction de deux sous-espaces; d’une part celui des pistes de l’autoroute A1 et d’autre part celui des bretelles d’accès. Cette perception du paysage transfiguré sera ressentie à la fois en entrant et en sortant de l’espace de ce territoire en mutation.

 

Concept architectural

Le franchissement de l’autoroute proposé est une structure formée de doubles arcs de type « bow-string » ondulant au-dessus du tablier.

Avec une telle image, l’identification du nouveau pont établissant le lien à la ligne de tram Genève – St-Julien se révèlera singulière et mesurée à l’échelle du site. Elle participera également à son intégration en prenant part à la reconstruction du paysage notamment grâce à l’urbanité de sa forme ondulante évocatrice de mouvement « slow motion ». C’est un système statique de type «porteur par-dessus » constitué d’un « double arc» en acier soutenant un tablier en béton.

Le « nœud central » est un lien « siamois » qui réunit les deux arcs pour ne faire qu’un seul pont. Les courbes plongeantes des arcs entrant en contact avec le tablier en délimitent ses extrémités.

L’ensemble constitue un portique bidirectionnel Nord/Sud pour les usagers de l’autoroute et Est/Ouest pour ceux du tramway.

Le choix de ce système statique permet de rabaisser de manière significative le niveau d’implantation du profil  longitudinal de la ligne de tram. Ainsi, dans le périmètre élargi les talus seront considérablement réduits.

Dans la ZIPLO la nouvelle plateforme ferroviaire est inscrite dans une assiette délimitée par des murets de contention; ils sont implantés « au plus près » du terrain naturel. La section des soutènements se veut « ramassée » et bien fondée. Son couronnement s’arrête en dessous des bordures GLO afin d’en limiter leur hauteur. La coupe transversale type est asymétrique ; la piste cyclable reste proche du sol jusqu’à la dernière rampe qui la conduit au franchissement de l’autoroute. Le muret qui la borde à la manière d’un très long banc, formant limite, l’accompagne jusqu’à la culée du pont.

Dans cette zone agricole, malgré l’implantation du profil en long « au plus près » du terrain naturel, la construction de la rampe d’accès du tram nécessite des talus importants. C’est pourquoi la plateforme ferroviaire et celle des usagers de la mobilité douce ont été maintenues au même niveau. De ce fait, les piétons et cyclistes qui se déplacent  le long de cet axe restent en contact visuel à 360° alentours.

En vision nocturne, la passerelle sera mise en valeur par un concept d’éclairage qui s’inscrit  dans la catégorie des « broderies ». Les éclairages proposés sont de type LED  installés sur deux éléments constructifs et distincts :   les arcs et les parapets.

Le pont avec son ondulation qui forme des doubles arcs s’associe à l’image d’un franchissement par le tram. L’image créée par l’ondulation est élégante et fluide ; c’est une sculpture et pas un pont brutal ou industriel. Les formes paraboliques des arcs, des liaisons arrondies aux extrémités des montants sont à l’image des trams aux formes aérodynamique et ergonométriques.

Finalement, le pont avec ses deux arcs symbolise la réunion de deux mondes, le monde agricole et le monde industriel.

 

Concept structural

Le pont proposé est une structure mixte formée par une charpente métallique qui supporte le tablier pour créer deux doubles arcs s’appuyant sur les culées et sur une pile intermédiaire. Les arcs suspendent la dalle en béton par l’intermédiaire de montants verticaux en acier.

Les deux doubles arcs forment avec le tablier un système auto stable de type « bow-string » dans lequel les arcs sont sollicités à la compression et le tablier est sollicité à la traction. Le système statique longitudinal est caractérisé par une structure fixée sur la pile et sur les deux culées par des appuis mobiles. Les deux arcs sont continus, ils sont liés pour assurer une transmission partielle des efforts d’un arc à l’autre.

La structure transversale du pont est composée d’un tablier en béton suspendu aux arcs par l’intermédiaire des suspentes métalliques. Les arcs sont disposés de part et d’autre des voies du tram de telle manière que les charges ferroviaires importantes sont reprisent sans détours.

Le tablier supporte la plateforme du tram au centre, la plateforme pour la mobilité douce disposée du côté Nord et une étroite plateforme technique élargissant le tablier au Sud. Il est formé d’une dalle en béton raidie par deux sommiers longitudinaux disposés sous les arcs et par des sommiers transversaux reliant les poutres longitudinales et qui se prolongent en porte-à-faux pour supporter la plateforme pour la mobilité douce.

Le tablier en béton armé ainsi renforcé par les sommiers fonctionne comme une surface rigide qui répartie et transmet les charges jusqu’aux suspentes. En plus par sa masse, le tablier réduit la propagation des vibrations.

La plateforme pour le tram intègre un système de voie noyée avec un rail standard 35 GP et un revêtement bitumineux pour permettre la circulation des bus. La plateforme de la mobilité douce est recouverte d’un platelage en bois pour conserver une structure identique des zones en dehors et sur le pont.

Matériellement et formellement les parapets font partie intégrante du prolongement du tablier du pont; ils achèvent une terminaison robuste finement ajourée laissant filtrer la lumière et voir au travers. Constitués d’une clairevoie de fine lamelles en béton à haute résistance, ils renforcent l’homogénéité du traitement unitaire des parties de l’ouvrage en béton procurant un sentiment de sécurité aux usagers de la passerelle.

La charpente métallique est composée des arcs, des montants et aussi des poutres longitudinales et transversales noyées dans le tablier, elle forme l’ossature du pont. La charpente métallique rigidifie l’ensemble de la structure et permet son lancement et assure un bon comportement à l’état de service. De plus, la torsion engendrée par la forme asymétrique de la section est reprise par un effet cadre formé par les arcs, le tablier et deux entretoises transversales reliant les arcs.

Les arcs sont des caissons de forme trapézoïdale dont la section est variable. La section des arcs varient de telle manière que c’est les faces latérales inclinées qui augmentent en s’approchant des appuis. La face supérieure reste constante alors que la largeur de la face inférieure se réduit en fonction de l’augmentation de la hauteur des arcs.

Les montants sont formés par des tôles disposées dans le prolongement des tôles latérales des arcs pour permettre une transmission efficace des efforts. Les montants sont de section rectangulaire. L’épaisseur des montants est variable suivant les montants puisque cette épaisseur est fixée par la largeur inférieure de la section trapézoïdale des arcs.

Les poutres métalliques du tablier sont à l’intérieur des sections de béton armé. Cette solution permet de s’affranchir de toutes opérations d’entretien de la charpente sous le pont.

La forme de la charpente est obtenue en découpant des ouvertures dans la matière plutôt qu’en assemblant des éléments différents. Ainsi, les tôles des arcs se prolongent pour former les montants et ces derniers se prolongent pour former les poutres longitudinales. Les transitions sont assurées par des formes arrondies qui permettent une bonne introduction des efforts. L’image du pont est ainsi plus unitaire.

Le traitement de surface de l’ossature métallique sera réalisé avec une peinture offrant un aspect métallique blanc. Ce choix est préconisé afin de faire jouer cette structure avec la lumière naturelle.

 

Construction sans impact sur le trafic autoroutier

La technique de construction proposée qui est la plus efficace pour limiter les impacts et les risques est de construire le pont à côté et lors de deux opérations de nuit, de le mettre en place par lancement.

Le pont sera construit dans l’alignement de l’emplacement définitif du côté Perly-Certoux.

C’est l’ensemble de la section qui sera construite sur la plateforme, soit l’ossature métallique et le tablier en béton. Les seules parties qui seront construites après le lancement, sont les équipements supérieurs du tablier.

Le lancement de l’ensemble du pont est rendu possible par trois moyens :

  1. La mise en place d’un long avant-bec en acier.
  2. La réalisation de montants en acier pouvant reprendre la compression.
  3. La mise en place de diagonales provisoires pour reprendre la traction.

Pour le lancement, les arcs sont ainsi transformés en treillis métallique. Lors du lancement, l’arc métallique reprend principalement de la traction et le tablier reprend principalement de la compression.

Une fois le pont construit et renforcé pour le lancement, il est appuyé sur des trains de roues disposés aux extrémités des arcs. Sur les culées et sur les piles, des appuis de glissement sont positionnés pour permettre le déplacement du pont.

Les plaques de téflon sont enfilées sur les patins des appuis de glissement l’une derrière l’autre au fur et à mesure du lancement.

Le lancement sera effectué par deux vérins disposés sur la culée Perly.

Le pont est ripé en deux étapes, une par travée.

Lors du lancement qui s’effectuera durant deux nuits, le trafic autoroutier devrait être interrompu par sécurité, mais ce n’est pas une obligation. Une fois que le pont est lancé, il n’y a plus que des opérations de construction à effectuer au-dessus du tablier, sans interaction avec l’exploitation de l’autoroute.

 

Structure durable avec entretien limité

Le pont est conçu pour offrir une grande durabilité avec des entretiens limités :

  • Le tablier, particulièrement sensible puisqu’il est située directement au-dessus de l’autoroute est entièrement en béton protégeant ainsi les profilés métalliques qui y sont noyés ; le tablier ne nécessite pas d’opération d’entretien.
  • La face supérieure du tablier en béton est recouverte de lés d’étanchéité collés en plein sur le support en béton. L’étanchéité est protégée par une couche d’asphalte coulé ou par des éléments de béton non porteur.
  • Les arcs et les montants sont protégés par un revêtement de protection contre la corrosion. Ce revêtement peut être entretenu aisément et sans interaction avec le trafic autoroutier pour des opérations d’entretien depuis le tablier, soit depuis la plateforme de la mobilité douce, soit depuis la plateforme technique.
  • Les appuis et joints de chaussée qui nécessitent un entretien sont disposés aux deux culées d’extrémités facilement accessibles.
  • Le platelage en bois de la mobilité douce est amovible ; il peut ainsi être entretenu et remplacé et il permet également d’accéder aux conduites industrielles.

 

Pont rationnel et économique

L’ouvrage est rationnel et économique grâce à la mise en place d’une pile intermédiaire permettant de limiter la portée, grâce à la forme des arcs qui est particulièrement efficace au niveau statique, grâce à la disposition des arcs de part et d’autre du tram permettant de reprendre sans détours les charges importantes de ce dernier, grâce à la construction de l’ensemble du tablier au niveau du sol et aussi grâce à la liaison de la plateforme pour la mobilité douce qui forme ainsi un ouvrage compact et unitaire.

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